J1*

         Partir de chez soi pour une virée de quelques jours n'a rien de spécialement excitant pour moi qui ne rêve que de voyage lointain. Pourtant je me force à croire que cette nouvelle escapade peut m'apporter une part de dépaysement. Si toutefois ce n'était pas le cas, au moins aurais-je eu le désir de le croire.
         C'est dans cet esprit que j'enfourche ma bicyclette tôt ce matin après avoir préparé mon sac la veille dans une presque totale improvisation. L'envie d'ailleurs, le désir de vivre quelques jours en toute liberté, sans contrainte de temps, d'agenda me pousse à partir malgré un futur proche évènement familial.

          Il me faut parcourir quelques dizaines de kilomètres pour enfin goûter à l'ivresse de la découverte. En effets les premiers coups de pédale sur des routes maintes fois sillonnées lors de sorties d'entrainement sont difficiles mentalement.         Dans une heure ou deux, mon trip commencera vraiment qui devrait me mener à travers les départements de l'Isère, de l'Ain, du Jura et enfin du Doubs vers la frontière Suisse.
         C'est au milieu de l'après midi, après avoir gravi les pentes du Cerdon, où l'on élabore un excellent pétillant, et traversé Nantua, que la route D14 m'apporte enfin un peu de nouveauté. Celle- ci très vallonnée, serpente à travers les contreforts Jurassien, tantôt en partie boisée, tantôt surchauffée par un soleil particulièrement généreux.
          Les premiers signes de fatigue se font sentir et notamment un début de lombalgie de chaque côté du dos. Je mets cela sur le compte d'un chargement excessif de ma remorque, que j'ai du mal à tirer sur les pentes du Jura.
Contrairement à mes habitudes, je n'ai pas trop regardé du côté de la balance pour tenter de réduire au maximum le poids de mon sac. Sachant pertinemment que les pays traversés ne me donneront pas l'occasion de "squatter" chez l'habitant, j'ai préféré privilégier l'autonomie complète pour ce qui est de l'intendance.

          Ainsi, j'ai casé dans mon barda, soigneusement emballé, tout ce qui est nécessaire pour pouvoir cuisiner: réchaud, bouteille de gaz, popote et quelques conserves, pates et riz, histoire de tenir quelques jours.
Au final, c'est près de 20 kilos, remorque comprise, que je m'emploi depuis plus d'une heure à hisser au sommet des côtes.
         Après plusieurs pauses, il est près de 19 h quand l'épicière de la station de Lélex où j'ai fais le plein d'eau, m'invite à installer mon campement pour ma première nuit en camping, en face de son magasin. Je ne lui ai pas trop laissé le choix, c'était ça ou elle m'invitait chez elle. Préférant éviter quelques remarques de son mari, elle opte pour cette solution.

     
A cette époque de l'année, aucun risque de gêner d'éventuels skieurs sur les pistes.

J2*

         Décidemment les Monts du Jura offrent bien du plaisir aux cyclocampeurs tentés par des routes peu fréquentées. Pour ce deuxième jour, hormis quelques portions du côté de Pontarlier, je me régale de paysage, de nature et de sensations retrouvées, mon dos me faisant bien moins souffrir que la veille.

          De Lélex à Mouthe, ce n'est que du bonheur! Cette commune située au sud du département du Doubs, près de la frontière Suisse est surnommée "la petite Sibérie". De quoi donner un caractère un peu exotique à cette étape, pour la visite éclaire de ce village qui se targue de détenir plusieurs records de température négative.(-36,7° en 1968 et même -41°en 1985).
Un meuthiard célèbre, Fabrice Guy qui est un ancien médaillé d'or au Jo d'Alberville en combiné nordique vit toujours dans ce village.

              Deux magnifiques chevaux partagent ma seconde nuit en camping sauvage. Je me suis installé tout prêt de ma première véritable piste cyclable du voyage, dessinée sur une ancienne ligne de chemin de fer. Le beau temps est de la partie.

J3*

          A l'aube du 3 ème jour, du côté de Morteau, un cygne s'abreuve dans les eaux du Doubs. Encore quelques coup de pédales pour escalader la bosse à partir de Montlebon, puis une toilette sommaire dans un bois, grâce à deux bouteilles d'eau que je viens de glaner, et je franchis ma première frontière. Je suis en Suisse.
   

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