
Pourquoi certains veulent-ils absolument aller à l'hôtel quand ils voyagent?
Pourquoi vouloir se contenter d'une chambre de dix mètres carré payée chère, alors qu'il est assez facile d'obtenir une villa complète gratis? Pour moi ça reste un mystère...

De Vale à Ahalcihe la piste est très fréquentée ce matin. Poussez pas, chacun son tour!

Non pas possible, ça existe des rues goudronnées! Ahalcihe, première ville de Géorgie sur mon itinéraire n'a pas grand chose à offrir.
Rien de bien spécial donc, de toutes façons je suis préoccupé à l'heure actuelle à faire du change. Toutes les banques sont fermées à cette heure matinale, il faut donc que je fasse confiance à un commerçant pour échanger un billet. Je ne connais ni le nom de la monnaie locale, ni sa valeur. Aussi j'opte pour une petite coupure pour commencer: un billet de dix euro fera l'affaire.
Je m'adresse à un pompiste qui accepte d'échanger mon billet de dix euro contre 20 de la monnaie locale. Pour être sûr de ne pas me faire arnaquer, je trouve un prétexte pour lui dire que finalement je vais réfléchir. A l'heure actuelle il doit encore se poser des questions sur le pourquoi de mon refus.
A vouloir ne pas faire confiance, (mais n'est-on jamais assez prudent), je perd un temps à trouver une autre personne voulant me faire du change. Enfin un autre garagiste, accepte mon deal et finalement confirme la transaction du premier. Dix euro contre vingt lari. Affaire conclu.

Tout proche, j'observe, amusé, le cinéma d'un vendeur de salon pour vendre un "magnifique" trois pièces.
"Un canapé plus deux fauteuils" c'est une occasion unique pour vous, Cher Monsieur, Chère Madame, d'acquérir ce confortable ensemble en peau de vache d'Anatolie. Unique je vous le répète car Monsieur, Madame, la chance est avec vous. En effet Exceptionnellement, Monsieur Keducuir notre représentant d'usine est parmi nous et vous bénéficiez de ce faite d'une remise tout à fait "exceptionnelle" et je pèse mes mots de 50%. Signez là de suite, et ce salon est à vous....

Hilare, je remonte en selle. Une dizaine de kilomètres après la sortie d'Ahalcihe, se niche un petit village du nom de Mikadze. Invisible de la route, il faut en effet pour y accéder traverser un pont en bois. Bien inscrit sur ma carte, ce village invisible de la route me fait douter quand à la bonne direction prise ce matin.

Finalement un pêcheur me confirme que je suis sur le bon chemin. Son père, se présente comme étant le Président de la GEORGIAN SPORTS AND SERVICE UNION OF PROFESSIONAL CYNOLOGISTS AND DOG LOVERS. Enchanté! Nous nous échangeons nos adresses de site.

Je retrouve une vieille connaissance. Il me semblait bien la reconnaître, mais j'avais un doute. Il faut dire que depuis que je l'avais quitté en Turquie, elle avait changé de nom. La rivière Kura Cay s'appelle désormais en Géorgie Mtkvari. Ce fleuve long de 1 515 km prend sa source en Turquie et son embouchure se trouve en Azerbaïdjan. Ses affluents principaux sont l’Aragvi, le Iori, la Djama, la Tana, le Tedzami…

Je me sens bien dans ce nouveau pays. Les véhicules sont rares, la nature préservée, le béton n'ayant pas encore tout envahie. Ces gorges creusées par le fleuve Mtkvari me rappelle celles de l'Ardèche. Le territoire géorgien à cet endroit est limitrophe avec la Turquie dont il possède 252 km de frontière. Plus au sud, on totalise 164 km de frontière avec l'Arménie.
Si toute la journée l'élément liquide ne sera jamais très loin, l'eau potable elle, se fait rare. Si l'hiver le climat doit être particulièrement rude et la neige abondante, les étés sont brûlants. Climat continental oblige! Mes réserves d'eau sont presque épuisées et aucun village n'est signalé. Je commence à avoir la gorge sèche. Une voiture signale son arrivée par un gros nuage de poussière. Le temps de réfléchir à savoir si je l'arrête ou pas et elle s'éloigne déjà... Je la retrouve quelques kilomètres plus loin. Ses occupants, des touristes profitent d'une courte pause. Arrivé à leur hauteur, ils sont surpris de me voir déjà là. Trois couples d' italiens se partagent l'espace confiné de ce véhicule tout terrain. Pendant que les hommes mitraillent le paysage, deux jeunes femmes s'enquièrent de savoir si je ne manque de rien.
"no, no tutto vai bene" "encore que se avete dell'acqua ça ne serait pas de refus"
Elles rigolent et foncent vers leur glacière placée dans le coffre de l'auto. Deux bouteilles d'eau glacée viennent me réconcilier avec l'Italie. Il faut dire que depuis notre finale de la Coupe du monde perdue contre Matterazzi et ses potes, je l'avais un peu en travers de la gorge. Merci Mesdames.

A Aspindza, à mi parcours de l'étape je trouve enfin de quoi manger dans une supérette locale. Je prends du pain, le paye immédiatement. Je choisis quelques tomates et des fruits dans un autre rayon et paye aussitôt. Je cède à la tentation d'une bouteille de coca et ressors le porte-monnaie.
Bon j'arrête là, sinon je vais user la fermeture.
J'aime m'isoler et observer les gens dans la rue. A l'ombre de gros platanes, en même temps que je mange, je saisis quelques belles scènes de la vie quotidienne des Géorgiens. Tel ce couple tranquillement installé sur un muret et solutionnant des grilles de mots fléchés en alphabet Géorgien.
En plein cagnard, je dois reprendre le "guidon".
La piste est épouvantable. Je me demande comment je fais pour ne pas avoir encore crevé. Les flancs de mon pneu arrière présentent quelques belles estafilades mais pour l'instant ça tient. Pourtant, j'ai pris des risques cette année. Toujours avec le même souci de rouler léger, j'ai pris l'option de pneus slics très étroits. L'inconvénient c'est que le terrain proposé ici en Géorgie ne convient pas du tout. Ils sont beaucoup trop fragiles, et je ne donne pas chers de leur enveloppe pour l'avenir.

Je vais encore avoir des regrets en croisant cette route qui part à droite en direction de Vardzia. Cette ville troglodytique fondée au 12ème siècle par la reine Thamar, comportait quelques 3000 grottes faites à la main il y a 800 ans. Seulement, je suis bien obligé une fois encore de faire un choix. Aussi je décide de filer tout droit et donc de renoncer à un des plus beaux site de Géorgie. A cet endroit la Turquie n'est qu'à quelques kilomètres à vol d'oiseau. A Khertvisi, une belle forteresse militaire, construite au moyen âge (Xe-XIe) est située à un point stratégique : sur une haute colline rocheuse surplombant l'étroit canyon de la rivière Mtkvari. Comme la légende le raconte, elle aurait été détruite par Alexandre (dynastie Macédonienne) et depuis aurait besoin d'une bonne restauration ! Et moi qui croyais au premier abord avoir affaire aux restes d'un caravansérail sur la route de la soie...
La Géorgie jouait en effet un rôle d’avant-poste de la civilisation européenne à l’est du Continent et en même temps ouvrait la voie aux européens vers l’Asie Centrale et la Chine.

En fin d'après midi, usé par la route ou la piste, c'est selon les endroits, j'escalade la dernière rampe qui mène à Akhalkalaki qui signifie « ville nouvelle » en géorgien. Terme pas très correct pour une ville que j’atteins après des kilomètres de routes défoncées. Comme d'habitude, je termine affamé. La première personne que je rencontre est un restaurateur dont l'établissement se situe au sommet de la dernière côte, à l'entrée de la ville. Je passe immédiatement commande d'un plat roboratif. Une soupe préparée et réchauffée par sa femme.

Madame plus bavarde que son mari, m'explique qu'ils sont tous les deux d'origine arménienne. La ville compte 10 à 11 000 habitants dont 96% sont arméniens et 90% d’entre eux descendent des rescapés du génocide d’Erzerum de 1915. Cette région la Djavakhétie est une contrée historiquement arménienne située à 30 km de la frontière turque et 50 km de celle de l’Arménie. Les noms des rues sont en trois langues. C’est l’arménien qui trône en haut de la plaque, avant le russe et le géorgien. Hier interdite et quadrillée par les troupes du KGB, elle semble abandonnée par Tbilissi. J'ai déjà pu m'en rendre compte en circulant sur des routes qui n'en portent que le nom. Les subsides n'arrivent pas jusqu'ici. Dans la ville, aucun trottoir, aucune fleur rien qui ne puisse embellir un tant soit peu cette atmosphère de bout du monde.
Il est temps pour moi de trouver un gite pour la nuit. Pourquoi vouloir aller plus loin alors qu'un canapé trone dans la pièce voisine du restaurant. Madame n'est pas trop de cet avis et préfère que j'aille à l'hôtel.
Pas possible, elle aussi veut m'envoyer à l'hôtel. Pourtant étant Arménienne, elle ne voudrait pas ressembler à tous les turcs rencontrés depuis le début de mon voyage. J'insiste. Elle n'en démord pas, elle veut m'envoyer à l'hôtel. D'ailleurs le gérant de l'hôtel, son voisin, débarque.
Désabusé, je suis bien obligé de le suivre. Je n'ai pas à aller loin, son établissement étant mitoyen avec la salle du restaurant.
Surprenant cet hôtel! Son tôlier également.
En faite d'hôtel, c'est plutôt une lignée de cinq chambres au fond d'une cour. Des chambres qui ne doivent pas être souvent occupées. Pourtant le tarif demandé par le gérant est plus que raisonnable, 3 euro.

Dans la cour d'entrée , sa femme trie et nettoie des petits fruits rouges dont je ne peux donner le nom.

Le plus étonnant dans cet "hôtel" qui en fait n'en ai pas un, ce sont les "sanitaires". Eux aussi sont inexistants.
Après cette journée harassante sous le soleil et surtout dans la poussière, je n'ai qu'une envie, me laver.
Le patron termine sa journée par son occupation favorite, le jardinage. Cela me donne une idée.
Je me munis de ma trousse de toilette et descends deux étages par un escalier extérieur pour retrouver le jardinier en train d'arroser ses légumes. Je lui emprunte son tuyau d'arrosage et me douche avec.
Une fois propre et changé, malgré la bonne humeur du patron, je n'ai pas trop envie de moisir ici. Je décide donc d'aller visiter la ville. Mais avant tout, je dois trouver un endroit pour faire du change. Le billet de 10 euro échangé ce matin ayant servi à manger à midi, le resto en arrivant à Akhalkalaki, et la chambre ce soir.

Je retourne à deux pas de là, chez le restaurateur. Impossible de changer ici, ils n'acceptent ni les euro et encore moins les quelques livres turcs qu'ils me restent.
A l'une des tables, quatre hommes dinent et s'amusent de la discussion. L'un deux m'invite à rejoindre leur table et me commande une bière à la pression. Les questions fusent, toujours les mêmes. Je refais mon voyage, mon parcours et conte quelques anecdotes. Le patron apporte un plat de belles brochettes de viande grillées aux feux de bois. Je suis invité à partager leur dîner. Décidemment les Géorgiens sont des gens accueillants. Bières et vodka aident à détendre l'atmosphère. Ayant pourtant pris le train en marche, je manque d'entraînement par rapport à mes acolytes.
A la fin du repas, Alexander propose que nous allions visionner les photos prises avec mon numérique, chez un de ses collègues. Nous nous répartissons à deux par voiture, destination le centre ville. Mon baptème de Lada!
"Chez ces gens là, Monsieur on ne s`en va pas,
on ne s`en va pas en ayant attaché sa ceinture"
Oh là l'ami , pas si vite... ouh ça tourne!
Normal, il m'a fait un demi- tour, au frein à main! Quelle idée j'ai eu d'accepter de monter dans cette bagnole. Heureusement ce n'est l'affaire que d'une ou deux minutes. Nous voilà arrivé.
Je sors de l'habitacle pas très rassuré. les autres sont plié de rire...
Impossible de lire le contenu des disquettes sur mon numérique. Le collègue n'a pas le bon cable. Pourvu qu'il ne m'efface pas toutes les photos du voyage.
Sacré soirée!