Pressé de quitter cet hôtel dépravé, je revis déjà aux premières lueurs du soleil. Quand je suis arrivé hier soir à la nuit tombante, j'avais remarqué immédiatement un panonceau indiquant à la fois la présence de cet établissement et son lieu d'implantation. Situé immédiatement à l'entrée de la ville, je n'ai pas eu le loisir de visiter le centre de cette bourgade. Je tiens à vérifier que toute la cité n'est pas dans le même état de délabrement. J'apprends que l'épicentre du terrible tremblement de terre de 1988 était précisemment ici. Certes, le centre a retrouvé quelques couleurs mais tout cela ne respire pas encore la joie de vivre. La place principale, a été totalement réhabilitée avec une galerie marchande courant sur toute la longueur.
A quelques pas de là dans une petite ruelle, se détache une file de personnes faisant la queue devant une échoppe. Intrigué, je m'immisce dans la file. En faite d'échoppe c'est tout simplement un lieu où les travailleurs matinaux prennent leur café. Ca tombe bien, il ne manquait plus que ça pour démarrer la journée. Ici on déguste le café "à la turque" mais on peut aussi l'appeler café grec, café arménien ou café oriental. Sa particularité tient dans sa préparation. Mon tour est arrivé. La patronne verse le café moulu très fin dans l'eau froide sucrée. Elle remet ensuite le mélange dans une petite casserole de fer blanc appelée jezveh et le porte presque jusqu'à ébullition. Attention le café ne doit pas bouillir car café bouillu café foutu. Elle le retire du feu quand celui-ci commence à mousser. Elle me sert aussitôt le café brûlant. Je fais attention à ne pas « manger » le marc déposé au fond du verre. Au moment de payer, elle m'annonce que l'homme qui me précédait dans la file et avec qui j'avais échangé quelques mots avait payé le café. Chauffeur d'un minibus, il m'adresse en guise de salutation un signe de la main.
Je quitte la ville avec pour objectif rallier les rives du lac Sevan.

La matinée est quelque peu perturbée. Ayant épuisé toutes les piles alimentant mon appareil photo numérique, je dois courir plusieurs boutiques avant de trouver des batteries suffisamment puissantes. Le second évènement plus perturbant encore devait arriver. A l'entrée de la ville de Vanajor, un chien excité par mon passage, se jette littéralement sur la chaussée alors qu'une voiture arrivait à ce moment là. Le chauffeur ne peut esquisser le moindre geste et le percute. Coincé sous la voiture il est trainé sur plusieurs mètres. Tout ceci se passe de l'autre côté de la chaussé. Je préfère m'éloigner, il n'y a plus rien à faire pour le malheureux...

Peu avant Dilijan, je suis surpris par un coureur qui me dépasse à vive allure, bientôt suivi par un second. Si ça continue je vais finir par m'enrhumer. Finalement ils s'épuisent vite à vouloir me larguer. Ils préfèrent m'attendrent. Nous sommes vite rejoints par d'autres coureurs. Les dernières piles achetées s'avèrent insuffisantes en qualité. La dimension est bonne mais elles ne remplissent pas leur fonction d'ouverture et de fermeture de l'objectif. Je ne peux prendre qu'une seule photo. Dommage le plus gros de la troupe arrive seulement maintenant, je n'aurais pas de souvenir...
Malgré leur invitation à poursuivre en leur compagnie jusqu'au lac Sevan, je leur fais part de mon souhait de continuer seul, tranquillement!
Adieu les jeunes...

Enfin à Dilijan je débusque enfin des piles correctes. Mon voyage illustré peut se poursuivre.
Sur la route, des jeunes filles russes vendent des carottes aux fanes joliment tressées. Espacées les unes des autres de quelques centaines de mètres, je suis surpris de voir qu'elles sont "protégées" par un homme méfiant.
Impressions étranges!

La route s'élève dès la sortie de Dilijan. Cette région est parmi les plus boisées d’Arménie, elle a été déclarée Parc national en 2002, dans le but de protéger une faune et une flore particulièrement riches. Quel contraste avec les paysages d'hier. Les jeunes cueilleurs de champignons trouvent ici de quoi satisfaire une clientèle de passage.
Comme en Turquie, d'autres font bouillir la marmitte pour cuire des épis de maïs.

Au sommet, un tunnel a été creusé afin de faciliter les échanges entre les villes de Sevan et Dilijan. Comme la veille, je suis obligé de le traverser à pied, faute d'éclairage. Trois kilomètres dans la pénombre à pousser sa bicyclette et la remorque, c'est long! Je vois enfin le bout du tunnel.
Le lac Sevan est une vaste nappe d'eau douce suspendue à 1918 mètres d'altitude. C'est la mer des Arméniens, d'une surface de 1 256m² s'étalant sur 75km de long et 56km de largeur, soit trois fois le lac Leman en Suisse.
Le lac connaît une baisse significative de son niveau liée d'une part à son usage pour l'irrigation des terres et d'autre part à l'approvisionnement en eau des usines hydroélectriques.

En milieu d'après midi, après une jolie descente à travers la forêt, je touche les rives du lac Sevan. Une statue attire mon attention. Aghtamar ou Aghthamar, est le nom d'une île du lac de Van (dans la partie orientale de la Turquie actuelle).
Selon la légende, l'amoureux de la belle Tamar s'est noyé en traversant le lac de Van alors qu'il voulait aller la retrouver par une nuit d'orage. A l'agonie, ses derniers mots auraient ëté pour la femme qu'il aimait "Agh ! Tamar". Cette sentence donna ainsi son nom à l'île. Je n'ai pas d'explication sur le faite de trouver à cet endroit précis une statue à son intention.

L'endroit me paraît très touristique. De nombreux campings sont installés tout autour d'un des plus grand lac de montagne du monde. Des barbecues en dur sont installés en bord de route. Fidèle à mon habitude, dès l'arrivée à à la ville étape, j'aime manger un plat consistant qui change du grignotage de la journée.
Alors cet après midi ça sera agneau au barbecue. Le patron me laisse choisir les morceaux que je désire faire cuire. Allez au feu! Dans l'attente de mes pièces de viande, je me réfugie à l'ombre. Je ne supporte plus le soleil et mon épiderme encore plus.
Le fils du patron m'apporte les grillades. Nous discutons un moment. J'aimerais trouver de quoi me loger ce soir. Il me propose un gîte qu'il a lui- même aménagé. C'est parti pour la visite. Le baraquement se trouve juste derrière son établissement. En faite il s'agit ni plus ni moins qu'une cabane genre algéco. Je lui demande le prix. 30 dollar m'annoncet-il. Quoi cette vieille bicoque au papier peint qui se décolle 30 dollar!
Il se fout de moi. Je quitte les lieux faché avec l'arnaqueur.
Quand il me rejoint, je lui demande combien je lui doit pour le plat de viande. 10 dollar! hum je crois savoir avec quel genre d'énergumène j'ai affaire. Je file rejoindre son père et lui demande combien je dois. 4 dollar!
Voilà qui est honnête. Le jeune homme se fait tout petit. Nous nous quittons pas bons amis...

Je décide pour ma dernière nuit de voyage de planter la tente. Il faut bien que je l'utilise, je ne l'ai pas tiré pour rien sur près de 2000 kilomètres. Le premier camping visité s'avère très bruyant avec des jeunes écoutant de la musique à fond. Au second je cherche le responsable du camping. On me fait signe de m'installer.
A peine ai-je le temps de monter mon abri pour la nuit que je suis invité à dîner à la table de mes voisins.
Une fois encore je vais bisser mon dîner. Cette sympatique famille d'Arméniens a pour habitude de venir se reposer au lac Sevan. Tous habitent Erevan mais ils fuient le plus souvent possible la capitale surchauffée pour le climat plus agréable de ces montagnes.