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Voyage-Glbecyclo-Aventure

Itinéraire Maroc

lundi 23/04
Marrakech-Taddert

mardi 24/04
Taddert-Ouarzazate

mercredi 25/04
Ouarzazate-Boumalne du Dadès

jeudi 26/04
Boumalne du Dadès-Tinerhir

vendredi 27/04
Tinerhir-Touroug

samedi 28/04
Touroug-Erfoud(Merzouga)

dimanche 29/04
Merzouga-Erfoud-Alnif

lundi 30/04
Alnif-Tansikht

mardi 01/05
Tansikht-Zagora

mercredi 02/05
Zagora-M'Hamid

jeudi 03/05
M'Hamid-Agdz-Tazenakht

vendredi 04/05
Tazenakht-Aoulouze

samedi 05/05
Aoulouze-Ouirgane

dimanche 06/05
Ouirgane-Marrakech

lundi 07/05
Marrakech-Lyon

 

 

 

 

 

Aoulouze-Ouirgane

-Samedi 05/05-

      Avant dernier jour de mon périple marocain. Ce qui fait plaisir dans ce pays c'est de ne pas avoir à se préoccuper de la météo. Le ciel bleu engage tout de suite à l'optimiste. C'est donc guilleret que je m'avance vers la chaîne de l'atlas. A part une petite bosse au départ le début d'étape se résume à une longue ligne droite qui mène à Taroudant.
       Au trentième kilomètre la bifurcation vers le Tizi-n-Test me fait diriger à droite. Ce matin, prévoyant, j'ai enfilé un maillot manche longue mais le soleil matinal est déjà chaud et avant d'entamer l'ascension je reviens à une tenue plus estivale. La longue montée est ponctuée de nombreux arrêts. Le paysage est splendide et en me retournant je mesure le chemin parcouru.
       Au loin par ce temps clair je distingue à l'horizon la steppe plantée d'arganiers. En levant la tête je devine le tracé de ce qui me reste à grimper. Un vendeur de thym se tient à l'abri sous un parasol.
       Plus haut, descendant à vive allure un cycliste freine en arrivant à ma hauteur. Il est aussitôt suivi par un comparse. Tous deux sont de Grenoble dans l'Isère et partent également pour une quinzaine de jours. Nous dialoguons ensemble un bon quart d'heure surtout de notre chance d'avoir tous les trois des épouses compréhensives qui nous laissent voyager. Un des deux serait bien partant pour un tour du monde mais il se dit trop vieux. Je lui réponds que tout est question de bien connaître ses possibilités physiques et d'adapter son kilométrage journalier, ses temps de repos à son potentiel. Son compère m'assure qu'il ne faudrait pas beaucoup le pousser pour obtenir de lui une réponse positive. Nous nous quittons sur des projets qui n'aboutiront pas mais content de parler à des compatriotes ayant une passion commune.
       La reprise est plus difficile, le rythme de l'ascension est perturbé. J'ai beau boire et m'alimenter peu mais souvent, je n'ai plus l'énergie suffisante pour progresser. Les jambes ne tournent plus si bien, et le regard se laisse souvent distraire par la beauté des lieux et la vue surprenante des lacets en contrebas. Quelle déclivité !Puis la tête relevée j'aperçois la haut une bâtisse. Un repère. Nouvel arrêt. Un morceau de pain, une vache qui veut rire et ça repart. Ce n'est pas les encouragements silencieux des trois véhicules immatriculés en France qui me donneront du cœur à l'ouvrage. Pas même un signe de ces parisiens ! Je m'en fout, je ne les envie pas dans leur caisse. La bâtisse aperçue plus bas est une auberge.
       Altitude mille six cent mètres, encore cinq cent mètres de dénivelé. La route est de plus en plus mauvaise comme l'atteste les nombreux nids de poule et les pierres tombées des parois. Un petit air plus frais régénère mon corps. L'auberge ne tarde pas à s'effacer de mon champ de vision et j'occupe mon esprit à calculer l'altitude par rapport à elle. Une autre masure là haut semble délimiter le sommet. Auberge vue panoramique 2100 mètres. Mes touristes de tout à l'heure se restaurent. Mais la route continue à grimper. J'ai compris, il annonce 2100 mètres soit le sommet pour que les pèlerins s'arrêtent, se croyant au sommet, mais le sommet il est là. Oui ce relais de télévision quelques lacets plus haut. Allez un dernier effort. La route contourne un versant, une dernière épingle et une nouvelle auberge détermine en effet le sommet.
       Un homme, appareil photographique en main me cadre. Clic clac c'est dans la boite.

      Un sourire c'est fini. Je déchausse et devine tout de suite à qui j'ai affaire. Un étranger pardi ! Pas un parisien. Sa plaque d'immatriculation m'éclaire, allemand ! Pour la conversation ça ne va pas être facile. " Do you want to take photo?" "Yes, no problem. Clic clac c'est dans la boite. La mienne ça fera un souvenir. Ce n'est pas tous les jours qu'on monte un col à plus de deux milles mètres. Le temps d'enfiler un maillot manche longue, et j'amorce la descente.
       Pas pour longtemps car ça remonte. Nouvelle séance de trip- tas. A nouveau la descente, mais au moment de repartir un car me dépasse. Me voilà coincé derrière lui. Je peste contre le chauffeur car son véhicule m'oblige à respirer les gaz d'échappements. Je ne veux pas prendre le risque de le doubler. Je le laisse filer pour pouvoir profiter de la griserie de la descente tout à l'heure. Enfin je plonge à plus de soixante dix kilomètres heures dans la descente. Un groupe de pique- niqueurs applaudit à mon passage. Si je n'ai pas connu les joies d'une participation au tour de France je devine que cela lui ressemble. Vingt bornes de descente ankylosent les muscles et il est difficile de repartir après.
       Ma décision de faire une pause présente un caractère salutaire, tant les efforts pour avancer maintenant demeurent inefficaces. L'hypoglycémie guette mon organisme après cinq heures de route. L'omelette salade coca me requinque.
       Cent vingt bornes me séparent de Marrakech. Cette perspective d'en avoir fini avec les difficultés m'encourage à repartir sereinement, sans l'angoisse de rater mon avion après demain. La chaleur n'est pas du tout la même que dans le sud du pays, le relief montagneux amenant une fraîcheur qui permet de rouler l'après midi. Le soleil n'en est que plus agressif pour mon épiderme et je prends la sage précaution de m'enduire à nouveau d'une crème protectrice. La pause me sera très bénéfique comme me le montrera une fin d'étape énergique. La route continue de descendre en pente douce. Je profite à fond de cet avant dernière étape. Un sentiment bizarre m'habite, mêlant la joie d'avoir réussi la totalité de l'itinéraire prévu et une certaine nostalgie.
       Encore c'est pas possible ! C'est la journée. Devant moi se présente un couple de cyclo-aventuriers, sacoches bondées, tongs aux pieds, tenues de baroudeurs. J'esquisse l'interrogation classique. Français ? La réponse négative ne me surprend pas tant leur allure anglo-saxonne ne laisse peu de doute quant à leur origine. Mes nouveaux interlocuteurs germaniques sont en parade pour trois semaines au Maroc. Leur parcours avec quelques similitudes avec le mien diffère cependant, car leur aéroport d'arrivée et de retour est celui d'Agadir. Ils m'apprennent qu'un autre voyageur de nationalité belge me précède d'une vingtaine de kilomètres.Décidément, ce coin est le rendez-vous des cyclistes en goguette, aussi fréquenté que le bois de Vincennes un dimanche matin. La difficulté de se faire correctement comprendre abrège notre rencontre.
       Je suis résolu à combler la distance qui me sépare de mon collègue belge. Ce gars là, me paraît insolite et original, d'après les renseignements fournis par les Grenoblois et les Teutons. Ces particularités suffisent à aiguiser ma curiosité vis à vis de mon congénère belge. Allez je mets le turbo. En roulant deux fois plus vite que lui sur cinquante pitons j'opère la jonction avant Asni, terme envisagé de l'étape. A bloc. Le compteur affiche cent bornes aujourd'hui, mais les bielles tournent parfaitement. Le soleil à l'ouest colore mon mollet gauche, la position du cycliste rend difficile un bronzage parfaitement symétrique. Malgré un profil tourmenté et un fâcheux vent de face, mon second souffle m'octroie une progression notoire.
       Je jouis de ces paysages magnifiques, la route surplombe l'oued et ses petits ksars disséminés sur les flancs de la montagne. Je reconnais la mosquée de Tin-Mal si brillamment décrite dans les guides touristiques. Cette mosquée est l'une des seules au Maroc ouvertes au non-musulmans. Sa rénovation est financée par l'ONA,depuis 1991. Son minaret inspira celui de la Koutoubia à Marrakech. Je traverse d'autres villages tel Talaat N'Yacoub, qui fut pendant longtemps un lieu de rassemblement des bergers habitant les nombreux douars et ksours des environs. Les ksours sont des villages fortifiés dont on n'aperçoit pas les chemins qui y mènent et qui peuvent cependant les relier au reste du monde. La route continue dans un décor tourmenté.
       " Chez Momo, gîte d'étape " indique la pancarte accrochée sur un arbre. La tentation est trop forte, tant pis pour le Belge, je réglerais ça demain après un repos mérité. Le chemin de terre qui mène à ce gîte est non carrossable et c'est donc à pied en poussant ma machine que je me présente devant une bâtisse entièrement rénovée. Le luxe qui règne ici tiédie ma volonté de séjourner une nuit. Momo pseudonyme de Mohammed a bien fait les choses. Quelques suites spacieuses et confortables ont été aménagées tout autour d'un jardin dont l'esthétisme raffiné trahi les goûts de son jeune propriétaire. La touche bleutée d'une belle piscine apporte une fraîcheur notable dans ce décor de rêve.
       Momo sait recevoir. Devinant sans doute mon peu de penchant pour une nuit en solitaire dans une des suites immenses, il accepte tout de suite mon deale, à savoir de squatter le pré qui lui appartient derrière la propriété. L'installation de ma tente et la possibilité d'exploiter à des fins hygiéniques les sanitaires pour la modique somme de zéro dirhams confirme le sens des affaires de Momo. Je ne peux en effet refuser la proposition de mon hôte m'invitant à déguster son excellente cuisine. Du reste il ne profite pas de cette situation pour grossir la note de mon dîner. Celui-ci sera à la hauteur du cadre, copieux à souhait après la dépense énergétique consentie aujourd'hui. Le plateau de fruits secs, dattes, figues, bananes, disparaîtra dans mes poches tant mon estomac sera rempli par les hors d'œuvres divers et le couscous maison pantagruélique.
       La tombée de la nuit accompagne mon repas pris au bord de la piscine. Je rejoins aussitôt après ma tente dressée derrière un enclos, guidé par la lueur de ma petite lampe torche.
       Vers une heure du matin je suis réveillé par les hurlements de chiens rodant autour de ma tente. Je n'en mène pas large. La fureur des chiens accentue ma peur. La fraîcheur de la nuit n'empêche pas la sueur de couler dans mon dos. Je perçois le bruit d'un chien mettant en pièce un sac que j'ai laissé dehors sur ma remorque. Je n'ose plus bouger et ne sais pas quelle attitude adopter. Si les fauves décident de s'attaquer à ma frêle protection de toile je ne donne pas chère de mes chaires. Je pense à ces histoires de troupeaux de bêtes qui se font attaquer par des loups dans nos Alpes françaises. J'en suis à espérer que quelqu'un entendant ces cris viennent faire taire ces bêtes qui sont peut être domestiquées. Il me semble maintenant entendre le grondement unique d'un seul molosse. Ses semblables sont partis voir ailleurs s'ils trouvent une nourriture plus digeste qu'un sec campeur.J'en profite pour essayer de trouver dans mon bordel l'unique arme qui pourrait me défendre en cas d'attaque de ces forcenés, un simple couteau. Plus pour me rassurer j'empoigne dans ma main moite le manche de ce désuet objet contendant que je me promets d'enfoncer dans la gorge de mon éventuel agresseur. J'attends de longues minutes l'attaque supposée de mon perturbateur. J'ai l'impression que celui-ci campe devant l'entrée de la tente et je me mets à espérer que c'est un signe de lui de me faire savoir que désormais il veille à ma sécurité. En effet au retour d'autres chiens il part à leur trousse et leurs aboiements percent le silence de la nuit. Je reste en éveil plusieurs heures, me persuadant que si attaque devait avoir eu lieu elle se serait déjà produite. Un peu hagard, je retrouve le sommeil vers quatre heures du matin.
       A cinq heures j'émerge d'un sommeil agité me demandant si cette nuit de cauchemars était bien réelle. J'entrouvre prudemment l'ouverture de ma tente, constate que mes bourreaux de la nuit ont quitté les lieux. Je plis rapidement mes affaires et file sans demander mon reste. Le soleil pointe derrière les montagnes. La dernière journée de route commence.

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