
Finalement l'idée de pouvoir visiter les gorges
du Dadès sans avoir à tirer ma remorque me décide. Je prends mon petit
déjeuner avec un ingénieur qui découvre le Maroc pour la première
fois en compagnie de sa femme. Sa conversation est intéressante car
c'est un voyageur depuis toujours surtout grâce à son métier. A sept
heures je dévale la pente qui part de l'hôtel et qui mène à l'intersection
des gorges.

Allégé du poids
de mon chargement je me sens pousser des ailes. La route au début
est truffée de nids de poule. Je suis très vigilant pour ne pas chuter.
Par contre le site est fantastique, la lumière des roches qui encadrent
le Dadès est féerique. La présence de l'oued facilite la vie. Aussi
la population est-elle nombreuse dans les gorges. Les femmes entament
leur longue journée de labeur. Je les vois crouler sous le poids de
leurs balluchons de luzerne et autre fourrage. Les enfants toujours
aussi sauvageons quémandent un énième stylo. La vallée est plus peuplée
que je ne le pensais, c'est une suite ininterrompue de petits villages
qui agrémente le parcours. Les deux passages de l'oued se font à sec.
Le niveau du Dadès n'a rien à voir avec les crues de nos rivières
qui débordent en ce moment en France. Partout le contraste entre le
vert de l'oued et les roches arides qui les entourent est saisissant.
Vers le vingt huitième kilomètre
se succèdent les hôtels mais dans l'ensemble ils restent assez bien
en harmonie avec la nature. Puis c'est la courte mais rude montée
des virages en épingle à cheveux. Je me sens dans une très bonne forme
et avale sans sourciller cette escalade. En haut la vue plongeante
sur la route offre un panoramique de toute beauté. Un couple de la
région de Marseille en voyage avec leurs deux enfants me demande la
recette pour monter aussi vite. Ma réponse avec une plaisanterie sur
Virenque les satisfait. Le monde est bien petit car j'apprends qu'ils
ont habité à Eclose un village à vingt kilomètres de mon domicile.
Après une photo j'hésite un bref instant sur la suite à donner à ma
découverte plus en profondeur des gorges. Mais le faite de redescendre
et donc de remonter au retour me donne la solution la plus sage :
il faut rentrer. Dommage pour le rétrécissement des gorges qui en
font sa renommée. Le retour est rapide malgré le trafic causé par
des hordes de touristes motorisées qui se rendent à leur tour dans
le site.
Aussitôt à l'hôtel j'attache
la remorque et me voilà reparti pour cinquante kilomètres de désert
de cailloux. Le parcours est plat et le dieu Eole m'accorde ses faveurs
aujourd'hui. Une heure quarante cinq pour boucler les cinquante bornes.
Mais l'envie de ne pas m'installer dans une ville poussiéreuse et
ou la pauvreté s'affiche trop ouvertement me donne le courage de poursuivre
en direction des gorges du Todra. La route oblique carrément et désormais
le vent freine ma progression. En outre le profil devient plus montagneux
et rapidement je dois faire face à une succession de virages dont
le dénivelé n'a rien a envié à nos cols alpins.
Enfin l'auberge de l'Atlas dont
j'ai jeté mon dévolu apparaît. Je demande aussitôt une chambre simple.
Après la visite je négocie une nuit sur la terrasse dans mon sac de
couchage.L'opportunité de bénéficier non pas d'un banal hôtel cinq
étoiles, mais de millier d'étoiles me tente énormément. De plus l'occasion
de faire quelques économie sur mon budget finit de me décider.
Je profite de mon arrivée tôt
dans l'après midi pour me laisser guider dans la palmeraie voisine
par deux jeunes marocains.La vie dans ces lieux n'a pas de secrets
pour eux. Nous montons à l'emplacement de l'ancienne ville ou nous
déambulons un bon moment. L'ancienne mosquée encore relativement bien
conservée fera l'objet d'un petit cours sur la religion par mes deux
jeunes accompagnateurs. A la construction de la route goudronnée tous
ces bâtiments ont été déplacés dans les années soixante dix. Nous
redescendons par des chemins ou il est assez facile de se perdre.
Dans la palmeraie je fais la connaissance d'un ancien des usines Peugeot
en France.Désormais retraité il coule des jours paisibles en compagnie
de sa femme qu'il encourage à couper la luzerne fraîche pour les animaux.
Il me sera interdit de prendre une photo de cette vie de labeur. Je
respecte cette volonté. Quelques dirhams iront garnir les poches de
mes deux anges gardiens dont je prends congé.
La nuit ne tarde pas à tomber.
Le camping qui jouxte l'auberge accueille quelques touristes francais.
Ceux ci restent discrets et ne semblent pas vraiment vouloir cohabiter
avec un nomade fut-il de même nationalité. Je savoure mon dîner aux
chandelles, non aux étoiles. Le garçon commence par m'apporter l'entrée.
Sur le moment j'ai cru qu'il allait inviter du monde à ma table. Non
ce plat est bien pour moi. Si je veux faire honneur au couscous il
est raisonnable d'en laisser. Le couscous arrive et ne dépareille
pas. Gigantesque, gargantuesque ! J'en mange jusqu'à plus faim. Ah
! Mais il y a un dessert aussi.
A la fin du repas je monte sur
la terrasse me coucher. Morphée me tend les bras, mais j'ai un peu
de mal à m'endormir après ce festin. Le début de la nuit est quelque
peu agité, mon estomac ayant du mal à assimiler toute cette nourriture.
Ensuite, les hurlements des chiens dans la palmeraie troubleront mes
rêves.
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