
Ce
matin Mohamed tient absolument à me donner sa carte de visite pour
que je promotionne son établissement par l'intermédiaire de mon guide
"le petit futé "
Lui donnant mon accord de principe je le quitte lui promettant un
petit mot à l'attention de la rubrique lecteur du guide.
Ma destination du
jour laisse augurer un changement de paysage par rapport à ces deux
derniers jours. La vallée du Drâ commence à Agdz vingt huit kilomètres
plus en amont de Tansikht. La route serpente le long de l'oued Drâ,
qui naît de la réunion des oueds Dadès et Ouarzazate. Le Drâ qui était
le plus long fleuve du Maroc et se jetait dans la mer un peu au sud
de Tan Tan, se noie maintenant dans les sables du Sahara au sud de
M'Hamid. Ce fleuve magique a donné naissance à l'une des plus belles
palmeraies du Maroc, longue de plus de deux cent kilomètres.
C'est donc une partie
de ce programme qui est à l'affiche de ces deux prochains jours. Depuis
la route je devine à peine le Drâ tant la végétation est luxuriante.
Cultures vivrières, lauriers roses et palmiers dattiers envahissent
ses rives fertiles. Des casbahs se dressent le long du fleuve, certaines
sont invisibles éparpillées au cœur de la palmeraie. Tamezmoute, El
Had, Taakilt, Igdaoum, Tin Zoulin, autant de petits villages que je
traverse et qui me permette d'admirer toute une population qui s'affaire
tôt le matin à leurs tâches quotidiennes.
Les jeunes filles partent s'approvisionner en eau tirée de puits creusés
le long du Drâ. J'essaye parfois de deviner sur leur visage caché
par un tissu noir l'expression de curiosité que traduisent leurs yeux
à mon passage. Parfois un sourire illumine un minois découvert par
un vent complice de mon voyeurisme.
Les enfants assis sur des ânes ramènent la ration quotidienne de luzerne,
nourriture principale pour le bétail.
Les hommes d'un certain age préfèrent le farniente, adossés à l'ombre
des murs de leur maison.
Certaines parties
du parcours sont balayées par un vent violent qui rend difficile ma
progression, et soulève une poussière irritante pour les yeux. De
plus les jambes de ce matin accusent l'accumulation de la fatigue
des journées précédentes. Heureusement le faible kilométrage de l'étape
m'incite à ne pas m'affoler, et à profiter pleinement de la vision
de cette animation crée par une population vivant dans une région
bénéficiant d'atouts géographiques intéressants.
Une pause au milieu d'une palmeraie me donne l'occasion de converser
avec un jeune garçon, mais son français se limite à quelques mots,
la discussion tourne court.
Que les derniers
kilomètres me paraissent difficiles ! Enfin Zagora apparaît tel que
je l'imaginais. Touristiques à souhait, bondées d'hôtels. L'essentiel
de la ville est de construction récente et manque singulièrement de
charme. Elle doit son développement au tourisme et aux merveilles
qui l'entourent. Zagora se situe aux confins de la luxuriante vallée
du drâ. C'est la dernière véritable ville avant le désert. Les premières
dunes celles de Tinfou ne sont qu'à vingt cinq kilomètres.
Ma première
préoccupation est de changer mes francs français contre des dirhams.
Malheureusement je n'ai pas fais attention à la date et aujourd'hui
nous sommes le premier mai. Les banques sont fermées.

Je traverse la ville.
Même le fameux panneaux 'Tombouctou 52 jours' est squatté par des
hôtels. Je vais me restaurer d'un poulet frite salade dans un snack.
Puis pour fuir Zagora, je me dirige vers le camping qui se trouve
à la sortie de la ville. Celui-ci s'avère très ombragé et ce luxe
n'est pas superflu ici. Le responsable m'accueille très amicalement
et m'affirme que je suis le seul locataire. Il m'invite à profiter
du mûrissement des abricots dans le jardin. J'en dégusterais un bon
kilo aujourd'hui.
Après l'installation
de ma tente, d'une petite lessive de mes affaires de cycliste, et
une douche réparatrice je décide de faire une sieste. Je rédige mon
courrier quand un camping car immatriculé en Vendée piloté par un
couple de retraité s'installe à côté de mon emplacement.
Puis un peu plus
tard arrive bijou, Martine sa femme et Danièle une amie. Bijou c'est
un surnom s 'intéresse à mon aventure, et me félicite pour mon moyen
de locomotion. Il me raconte ses différents voyages de par le monde.
Même l'Asie et l'Amérique du sud ont eu ses faveurs. Agé d'une cinquantaine
d'années il a ainsi pas mal bourlingué et son travail l'a amené à
vivre plusieurs années au Sénégal et en Mauritanie. C'est son huitième
voyage au Maroc, il descend directement avec son fourgon aménagé de
son domicile dans les Pyrénées. Il emporte un maximum de vêtements,
de jouets, et de médicaments et distribue directement aux enfants
et familles qu'il rencontre.
Il m'invite à boire une bière à l'hôtel la Fibule à coté du camping.
Accompagné de sa femme et de son amie nous nous installons confortablement
sur une terrasse sous des palmiers.
Puis nous visitons la palmeraie voisine et finissons la soirée au
restaurant jouxtant le camping. L'occasion de parler voyage autour
d'un délicieux tagine aux raisins.
Le voyage tel que
je le vis permet des rencontres et je me félicite d'être finalement
parti seul. Il est vrai que dans les semaines qui ont précédées mon
départ j'avais espéré trouver un coéquipier pour partager les joies
de la découverte de ce pays. Je ne regrette pas d'avoir été contraint
de partir seul. J'ai ainsi du faire des efforts pour communiquer avec
mon entourage.
En quittant mes amis
ce soir je me dis que ces rencontres sans lendemain ont quelque chose
de magique par l'enrichissement qu'elles apportent. Entre bourlingueurs
les anecdotes ne manquent jamais.
Alaker* *Bonne nuit
!
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