
Ah la grasse
matinée! Non ce n'est décidemment pas pour moi.
Il est 7 heures, je suis déjà devant mon petit déjeuner
qui est le premier depuis mon arrivé en Syrie. Déjeuner
somme toute assez classique: pain,beurre, confiture,un oeuf, seule
originalité les olives.
Le ventre plein, j'ai déjà des fourmis dans les jambes.
Bonne occasion pour aller taquiner le dérailleur dans la forte
pente qui mène à la citadelle.
Le château
arabe de Fakhr-er-Din (la citadelle) est perché sur un piton
rocheux dominant le site de Palmyre.

Pour
ceux qui le visiteront, deux solutions pour y accéder: le taxi
et pour les plus sportifs, à pieds. Du centre ville il vous
faudra une petite heure de marche, la montée grimpe sec.
Vous serez de toute façon récompensé de vos efforts,
la vue du sommet permet en effet de bien comprendre la géographie
de l'implantation du site.

Par
exemple, tout à l'heure en montant je n'avais pas remarqué
l'emplacement de l'hippodrome. Pourtant la route passe juste à
côté. Chaque année, fin avril début mai
a lieu le festival du désert.
Des courses de chevaux et de chameaux sont organisées, elles
attirent un grand nombre de spectateurs.

Avant
de redescendre, je ne peux, une fois encore m'empêcher d' admirer
l'étendue du site qui s'étend sur plusieurs kilomètres
carré. Sur la droite, en bordure du site 3000 ha de verdure
se détachent sur ce paysage aride. La palmeraie de palmyre
est sans doute la plus belle de Syrie.

Ce matin,
il n'y a pas foule sur le site. Je peux tranquillement avec mon Vtt
parcourir les différents lieux qui font la notoriété
de la cité.
La grande colonnade,
le temple de Nébo, le théatre, le sénat, l'Agora,
le tétrapyle, le temple de Ba' al Sahmin, le temple funéraire,
autant de merveilles qui sont le prétexte pour une photo.
Je croise le seul groupe de touristes français présent,
j' échange quelques banalités avec un lyonnais notamment
sur le résultat de l'épreuve cycliste Paris- Roubaix.

J'ai
la chance de posséder un deux roues pour me déplacer
rapidement et surtout d'aller là où les touristes ne
vont pas.
Je profite de mon moyen de locomotion pour me perdre dans la palmeraie
voisine.

Les
sentiers que j'emprunte sont ceints de hauts murs de pisé.
Derrière chaque mur la palmeraie est divisée en de nombreuses
parcelles privées.

Je remarque
le système d'irrigation fait de rigoles qui courrent le long
de ces murs. C'est là tout le secret de cette manne verte dans
un univers aussi aride.

L'autre
secret de cette majestueuse nature, c'est le travail de certains hommes
. Je rencontre un de ceux là.
Il m'invite à boire le thé sous son impeccable abris.
Il m'explique qu'il habite en ville mais que son travail le retient
toute la journée dans la palmeraie. Il s'est installé
confortablement dans ce que l'on pourrais appelé sa garçonnière.
Il tient absolument
à me montrer en quoi consiste son métier.
A longueur d'année il taille, élague les palmiers- dattiers,arrose
et soigne les arbres fruitiers: abricotiers, amandiers, grenadiers.
En le quittant il m'offre un sac de dattes: de l'énergie pour
la route.
Choukran!

Sur
le chemin de l'hôtel, je suis interpellé par un garagiste.
Est-ce pour tuer le temps, ou a t-il envie de redonner un aspect plus
reluisant à ma monture?
Toujours est-il que je réponds favorablement à son invitation.
Je stoppe devant son atelier. Après tout aujourd'hui j'ai le
temps et ma petite reine a bien besoin d'un petit relookage.
Muni de son nettoyeur à haute pression il attaque le nettoyage
de ma bicyclette dont l'émail retrouve bientôt son aspect
d'origine. Pour finir il sèche la chaîne, dépose
de l'huile sur les maillons : j'ai affaire à un connaisseur.

Alors
que je m'attends à ce qu'il me présente la petite note,
il m'intime l'ordre de m'asseoir et me sert le thé que son
employé a préparé. Il est de coutume de ne jamais
refuser avant le troisième verre, ce matin j'éprouve
le besoin de soulager ma vessie.
Mon homme est fier
de poser avec son jeune fils. J'aurais quelques photos à faire
en double.

L'arrivée
d'un camion dont le moteur semble avoir quelques petits soucis met
un terme à notre rencontre.
Le travail n'attend pas.
Une idée me
trotte dans la tête.
Je connais la distance qui me sépare de Dmeir, ma prochaine
ville étape pour l'avoir mainte fois étudié sur
mes cartes.
Près de 180 km à parcourir, rien que du désert.
Seuls deux postes de police et le célèbre Bagdad Café
à 110 km peuvent faire l'affaire pour une pause.
Je sais que je vais
devoir affronter cette distance vent de face, autant dire qu'il me
sera impossible de rallier Dmeir demain.
De plus il n'est pas question que je prenne à nouveau le bus
d'ici la fin de mon périple. C'est quelque chose de très
clair dans mon esprit.
La meilleur chose serait de prendre la route maintenant. Les kilomètres
effectués cet après midi seront autant à ne pas
faire demain.
Je consulte ma montre.
Il est midi. Le temps de prévenir l'hôtelier de mon départ
anticipé, de rassembler mes affaires et sous les coups de 13
heures je suis en selle.
Je quitte Palmyre
sans les regrets affichés à Alep. J'ai bien profité
des charmes cachés de cette ville antique. Bien sûr il
me resterait encore des choses à visiter comme le musée.
Mais moi les musées...
Je préfère
la route, surtout qu'à ma grande surprise le vent est favorable.

Le retour
au désert après cet intermède citadin me procure
beaucoup de plaisir. L'appréhension des premiers jours a disparue.
Je goûte sans retenue à la solitude. La chaleur n'est
pas trop accablante.
Le petit déjeuner
est déjà loin et je suis parti sans manger.
Heureusement les dattes du jardinier de la palmeraie de Palmyre sont
délicieuses et énergétiques.
45 ème Kilomètre,
premier poste de police. Mais que peuvent-ils faire en plein désert?
Je salue le policier de faction au bord de la route qui me fait signe
de stopper. Un grand sourire illumine sa face joviale. Son regard
interrogatif semble dire :
"Et bien si ce matin on m'avait dit que je rencontrerais un tel
énergumène".
Il m'invite à rentrer dans le batiment qui leur servent dans
leur fonction.
Cinq
policiers m'accueillent. On me fait asseoir. Celui qui parle le mieux
l'Anglais s'emploie à savoir ce que je fais ici.
Le thé est chaud, monsieur est servi.
Are you angry?
Tu parles si j'ai faim, les olives du petit dej sont déjà
bien loin.
Je n'arriverais pas à bout des deux grands plats de crudité
qui me sont si gentiment préparés.
Décidemment, l'hospitalité syrienne c'est quelque chose!
Rassasié, je compte bien atteindre le prochain poste de police
Al Basiri à 45 km. Mauvaise surprise à ma remontée
en selle, le vent s'acharne à freiner ma progression.
Le vent est bien capricieux dans le désert!
Les derniers kilomètres sont bien pénibles, les bourrasques
se font de plus en plus violentes.
Au bas d'une courte descente, le seul dénivelé notoire
depuis 60 km, Khnefees! Ce bourg est enveloppé d'une immense
chape poussièreuse. Une usine crache une fumée noire.
Au bord de la route, des camions remplie à ras bord de roche
défilent sur un plancher. Ici l'on pèse et vérifie
le chargement de chacun.
Je ne saurais pas trop quelle activité occupe ces gens qui
travaillent ici: extraction de minerais quelconques ou tout simplement
carrière.
J'aperçois sur la gauche, un chemin de fer dont l'utilisation
doit sans doute être réservé exclusivement au
transport de ces roches.
L'atmosphère est totalement imprégnée de poussière.
J'essaye bien d'avoir quelques renseignements sur le prochain lieu-dit
Al Basiri.
Mais c'est l'imcompréhension totale, tout ce que je saisis
c'est qu'on pense que je veux me rendre à Al Basiri et que
je serais de retour ensuite.
Mais pourquoi veulent ils que je reviennent?
Une quinzaine de kilomètres me sépare du lieu qui me
servira d'étape. Arc bouté sur ma machine, je n'ose
même pas regarder mon compteur qui affiche un misérable
8 km/heure.
Satané vent! Heureusement qu'il n'a pas été aussi
virulent depuis le début de l'après midi. Je ne serais
pas là.
Enfin j'aperçois trois ou quatre bâtisses au bout de
ce qui sera ma dernière ligne droite de la journée.
Une route part à l'Est. Sur un panneaux de signalisation à
double affichage Arabe et Anglais,c'est rare, je lis Bagdad . La frontière
Irakienne est à moins de 160 km.
Je stoppe devant une guérite de béton. Un homme en sort,
surpris de ma présence.
Je lui fais part de mon désir de passer la nuit ici, dans ce
trou perdu.
Il m'informe que les trois maisons sont inhabitées, fermées
et donc inaccessibles.
Il me reste la possibilité de loger avec lui, mais il refuse
catégoriquement de partager son trois mètres carré.
Un camion s'arrête devant sa guérite. Devant son attitude,
je suppose alors qu'il est en charge de contrôler les véhicules
qui emprunte la route pour l'Irak.Un policier?
Pendant qu'il est occupé, je m'éloigne de quelques mètres
pour visiter un minuscule abris derrière sa demeure.
Il me hèle de ne pas m'approcher. Je retourne sur mes pas.
Ma présence semble le gêner. Il finit par m'indiquer
une maison sur un terrain clos dans la direction de la route pour
Bagdad, juste à côté des rails du chemin de fer.
En effet je ne l'avais pas remarqué, car elle se trouve en
contre-bas de la chaussée.
Il m'affirme qu'un homme y vit seul.
C'est ma dernière chance, avant de dormir dans la nature.
Je parcours
les deux cent mètre goudronné puis pénètre
dans cette propriété privé. Si j'emploie ce terme
c'est parce que je trouve étonnant qu'en plein milieu du désert
cette petite maison est implantée au milieu d'un terrain clos
par un grillage.
J'entre. Je salue
l' homme agenouillé sur un tapis de mousse.
Je lui explique par geste car il ne parle que l'Arabe, que cette nuit
il devra me faire un peu de place.
En me tendant
un verre de thé, je comprends aussitôt sa réponse.Ce
soir je tiens mon abris, je suis très satisfait de mon après
midi. Près de 100 km parcouru, plus ceux effectués ce
matin.
Je suis naze.
Enfin ce soir je vais
pouvoir dormir de bonne heure.
Dans le désert avec la tempête qu'il fait je ne risque
pas de m'aventurer bien loin.

Un bédouin
venu d'un campement voisin, nous rend visite, nous partageons à
nouveau le thé, mais toutes conversations s'avèrent
impossible.
Je guette son départ
dans la nuit noire, je le vois plié en deux faisant face au
vent qui a redoublé de violence.
Je partage avec mon
ami syrien, l'omelette qu'il a préparé des tomates et
du fromage. J'apporte le dessert....des dattes.
Ce soir je m'endors
devant les images en noir et blanc d'une antique télévision
qui diffuse un programme sur les armements pendant la seconde guerre
mondiale...
Dehors la tempête
fait rage.
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