Etape 14 :

  

         Deux belles tartines de fromage saupoudrées de Paprika, une tomate, un concombre et un petit café pour faire glisser tout ça et me voilà reparti.


         Il est tout juste sept heures quand je quitte la ville. Je prend bien soin de demander la route au seul commerçant ouvert à cette heure matinale. Le vendeur de presse me confirme que je prends la bonne route, la E85.

        Ma première destination de la journée est la capitale de l'humour, Gabrovo. Ses habitants sont réputés pour leur ingéniosité et leur esprit d'initiative, mais pas seulement. Ils détiennent aussi une autre caractéristique, celle de l'épargne à la limite de l'avarice. Ils font eux mêmes leur autocritique notamment en affirmant qu'ils coupent la queue de leurs chats, afin qu'en hiver la porte se referme plus vite derrière eux et que les maisons ne se refroidissent pas inutilement.
La nuit ils arrêtent leurs horloges pour ne pas les user, choisissent des épouses très minces car il faut moins de tissus pour se confectionner une robe.
Si vous leur demandé l'heure, attendez vous à avoir une réponse du genre: 9 heures et vingt cinq......centimes.
J'ai hâte de vérifier tout cela, en attendant je prépare un peu de monnaie, au cas où!

         C'est marrant, d'habitude j'ai l'impression de bien maîtriser l'itinéraire de chaque étape. Le faite que tout soit écrit en cyrillique perturbe et change mes repères.
Il faut dire que je n'ai pas trop étudié la topographie de l'étape. Sur ma route le col de Chipka doit normalement se dresser devant moi.

         Pour l'heure la route s'élève progressivement.
Au sommet je ne vois guère d'explication sur le lieu. Des touristes motards squattent les deux ou trois tables du bistrot du coin. Inutile d'aller les déranger pour avoir quelques infos, ils m'ignorent totalement.
Le revêtement de la route est impeccable dans la descente. Je pourrais battre des records de vitesse...mais aussi me vautrer, alors prudence. Pendant une demi-heure je n'ai qu'à laisser aller, c'est facile le vélo dans ces conditions.
Un panneau, toujours en cyrillique, indique la prochaine agglomération: Gabrovo.

         Mon compteur ne marchant pas je ne peux savoir la distance exacte parcourue ce matin. Pourtant avec l'habitude j'ai quelques doutes sur l'affichage des distances. En effet, il y a bien longtemps que je devrais être arrivé à Gabrovo. Pourtant je n'ai pas traîné. Enfin voici la bourgade tant attendue.
A l'entrée, j'avise un homme et me demande aussitôt comment est sa femme, est-elle si mince que le dicton le laisse supposer?
Je stoppe à l'épicerie locale pour le ravitaillement de la mi-journée.

        Un joli parc, pelouses récemment tondues, fleurs et haies savamment taillées et un bassin apportant un peu de fraîcheur à cette journée caniculaire m'offre un havre de détente pour la pause syndicale.

         A l'ombre d'un saule pleureur, je m'installe confortablement sur un banc. Quelques jeunes gens discutent quelques bancs plus loin sans me prêter attention. Dans ce pays, contrairement à son voisin la Roumanie, les autochtones ne s'intéressent nullement au voyageur qui passe. Ils ne sont pas demandeurs et vaquent tranquillement à leurs occupations.

        Je déploie ma carte et sors de mon sac un guide sur la Bulgarie. Je veux m'assurer sur ce que j'ai déjà lu à propos de Gabrovo.
Il est écrit notamment" Située dans l'étroite et verdoyante vallée de la lantra, Gabrovo se développe sur une quinzaine de kilomètres et ses quartiers d'habitations sont étagés en terrasse, à flanc de montagne".
Alors là, je n'y comprend plus rien!
Je viens de descendre une pente sur une vingtaine de kilomètres, et les montagnes sont maintenant derrière moi. Aucune trace de maisons étagées en terrasse. Je reprends ma carte.
        Ah l'erreur grossière que j'ai faite! Depuis ce matin je me crois sur l'E85, en faite je suis sur la route 55 qui elle est plus à gauche. Le bourg où je me trouve s'appelle Gourkovo et en cyrillique, à un signe près, c'est identique.
Je retrace visuellement l'itinéraire de ce matin. En faite rien ne correspondait. Par rapport à la frontière Turc j'évite une boucle prononcée vers la droite qui m'obligeait à revenir sur la gauche ensuite. Résultat cinquante kilomètres de gagnées. Pas fais exprès. Finalement me voilà dans les temps, avec l'étape en retard rattrapée.
       Je ne pourrais pas vérifier certaines choses dites sur les habitants de cette curieuse ville de Gabrovo. Non plus je ne verrais Kazanlak la capitale de la rose, ainsi que le sommet du Chipka et son imposant monument érigé en forme de pyramide et qui commémore un des épisodes les plus héroïques de la guerre russo-turque de 1877-1878.
Bon je ne vais tout de même pas faire demi-tour. Gardons comme objectif, Istanbul. Je reprends la route.
Il fait très chaud, comme rarement depuis le début du voyage.

        Voilà un coin rafraîchissant! D'ailleurs les jeunes du coin l'ont bien compris. Au prix d'une certaine prise de risque, ils s'adonnent à la baignade, tout près d'un barrage, certains n'hésitant pas à plonger du haut du parapet.

        A l'écart, les pêcheurs plus calme font preuve de patience en scrutant, imperturbables, le flotteur de leur ligne.
Je préfère me retirer plus loin encore et admirer un spectacle assez insolite. La retenue d'eau provoquée par le barrage a noyé le paysage.

         Quelques arbres ont maintenant les pieds dans l'eau, le reflet de leur silhouette m'inspire pour une photo originale.
Malgré la chaleur ambiante il faut m'arracher à cette douce torpeur ambiante. Je retourne donc sur le chaud ruban d'asphalte.

         La région n'attire pas les touristes, pourtant elle ne manque pas de charme avec ses nombreux lacs.
Dans un petit village je fais une nouvelle pause à l'ombre d'un mirabellier. Comme en Roumanie un banc est installé devant chaque maison, mais contrairement à ses voisins les bulgares ne sont que très rarement au bord des routes. J'en profite donc pour poser mon fessier ailleurs que sur ma ridicule et étroite selle.

         Le propriétaire ne tarde pas à me rendre une petite visite. Difficile de converser mais je crois comprendre qu'il me demande d'attendre une minute son retour. Il retourne dans sa maison. Mais où peut-il être passé? Est-il en train de s'armer pour chasser l'intrus?
Il ne tarde pas à revenir mais en lieu et place d'une arme il me tend une tasse remplie d'un breuvage orangé.
Je l'interroge. Some tea?
Ca le fait bien rigoler, je bois.
Whouah! (Imaginez la scène de la dégustation de l'eau de vie dans les bronzés font du ski).
Si le mirabellier m'offre aujourd'hui un peu d'ombre, il a beaucoup plus que ça à offrir. Un alcool fort que mon acolyte m'encourage à boire cul sec. Il est marrant le bougre, boire cette tisane par 40°!
Hips! La route paraît moins droite par ici ...

         En pleine canicule, je pourrais faire halte à Nova Zagora, mais en pleine forme je décide de poursuivre. Je choisis une petite route pour m'approcher de Svilengrad dernière ville de Bulgarie avant la frontière Turque. Certes il me reste plus de cent bornes pour y arriver mais si je peux encore en faire vingt ou trente, ça m'avancera pour demain.
Une fois engagé sur ce prolongement de la route 55, je me rends compte qu'il n'y a vraiment personne dans le coin. Un vrai désert!

         Alors que la fatigue se fait sentir et que la sagesse me recommande de m'arrêter pour aujourd'hui il est trop tard pour faire marche arrière. Je me promets de stopper au prochain village. Celui-ci est si petit, si miséreux, que je me pose déjà la question de savoir où je vais bien pouvoir dormir.
Au bistrot local j'espérais bien négocier une petite place sur une banquette désespérément vide. Le patron ne veux rien savoir, et surtout n'accepte pas de loger un vagabond.
Pourtant il est prêt à m'aider. Il part avec sa voiture chercher quelqu'un qui me logera. La bonne affaire!
Dix minutes plus tard, le voilà de retour avec un vieux monsieur. Apparemment, le brave homme n'a jamais vu un dentiste de sa vie comme l'atteste sa dentition.
Lui à pied, moi en poussant mon vélo nous voilà embarqué sur un chemin de traverse. Les habitants des dernières maisons du village nous saluent un brin moqueur. Puis la route se terminant en cul de sac, nous coupons à travers champs. Aucune maison en vue, mais l'homme m'incite à le suivre à travers les maïs. Impossible de l'interroger il ne comprend rien. Près d'un kilomètre plus loin je préfère prendre congé de mon hôte lui expliquant brièvement que je ne tiens pas à continuer. Mais où voulait-il m'emmener?
Je regagne la route et poursuis.
         Au village suivant, je réitère plusieurs fois ma demande, mais tous refusent de me laisser planter ma tente sur un bout de leur terrain.
La topographie des lieux, avec un terrain assez plat et dépourvu de végétation, rend difficile la possibilité de faire du camping sauvage. A moins de me cacher dans un champs de maïs!
        Finalement, je me résous à quitter cette petite route et à rejoindre une petite ville Radonovo distante de quinze kilomètres. On m'a dit qu'il y avait un hôtel...
A la périphérie de cette cité, je stoppe dans une station service pour recueillir quelques infos sur les possibilités de logement.
Première nouvelle, il n'y a pas d'hôtel. Alors s'engage une négociation avec le personnel, à savoir si je peux squatter la pelouse derrière le bâtiment. Il n'en est pas question. Je me résous à attendre la nuit qui va tombée et espérer plus de compréhension et de sollicitude de la part du personnel de la station.
        Quelques instants plus tard, une grosse voiture tout terrain flambant neuve arrive sur le parking. Un homme à l'allure décidée accompagné de ses deux jeunes filles en descend.
L'aînée, âgée d'une quinzaine d'année m'invite en anglais à les suivre. Ils ont une solution pour me loger cette nuit.
J'explique cette proposition inopinée par le faite que le patron de la station service, averti par son personnel de mon arrivée, c'est déplacé pour me trouver un lieu d'hébergement.
         Je suis donc le véhicule dans un quartier proche de la station. Moins de deux kilomètres plus loin nous faisons halte devant un immeuble en reconstruction. Il fait presque nuit, le coin parait lugubre avec ses barres d'immeubles dévastées.
Bizarrement, l'immeuble possède un digicode.

         Deux étages plus hauts, nous pénétrons dans un vaste appartement entièrement refait. La jeune fille m'explique que je peux dormir ici cette nuit, m'indique le fonctionnement du chauffe- eau, les instructions indispensables pour capter les trente deux chaînes de la télévision câblée, et surtout s'enquérir de savoir à quelle heure je compte partir le lendemain.
Sur ce, ils me laissent les clés et me souhaitent une bonne nuit.
Me voilà seul dans un appart de soixante mètre carré avec tout le confort de la vie moderne.
Il est parfois des soirs où il ne faut pas trop se poser de question et profiter de sa bonne étoile.


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Dimanche 30/07/2006
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Lundi 31/07/2006
Budapest-Jaszapati
(120 km)

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Jaszapati-Debrecen
(150 km)

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Debrecen-Satu Mare
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(100 km)

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(80 km)

Samedi 05 /08/2006
Borsa-Campulung Moldovenesc
(110 km)

Dimanche 06/08/2006
Campulung Moldovenesc-Targu Neamt
(110 km)

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(150 km)

Vendredi 11/08/2006
Ruse-Veliko Tirnovo
(120km)

Samedi 12/08/2006
Veliko Tirnovo-Radonovo
(120km)

Dimanche 13/08/2006
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