Etape 9 : Targu Neamt-Gheorgheni

 

         Parcourir deux mille kilomètres à bicyclette en seize jours demande un minimum de préparation. Celle physique bien sûr, mais pas seulement. Le plus important, c'est de bien préparer son itinéraire. En effet, prendre le risque de choisir un point de départ, en l'occurrence la ville de Budapest en Hongrie cette année, et une ville d'arrivée Istanbul en Turquie, distante l'une de l'autre de près de deux milles kilomètres, exige à la fois de bien se connaître, et de bien gérer la longueur des étapes.
Si pour trouver un lieu d'hébergement le soir, je laisse libre cours à l'improvisation il n'en est pas de même pour l'itinéraire.
Pas question de parcourir soixante bornes une journée et cent quatre vingt le lendemain. Je refuse donc toute invitation tant que le kilométrage n'a pas été effectué. Cela reviendrait à prendre le risque de me retrouver à trois cent kilomètres de mon objectif à une journée de la fin du voyage. Et comme il n'est pas question que j'emprunte un autre moyen de locomotion que mon vélo, je veille chaque jour à ne pas prendre de retard sur mon planning.
Pourtant depuis le départ, j'ai en tête d'avoir une étape de retard pour cause d'avarie sur la remorque lors de la première journée.
Hier, j'aurais pu rouler encore un peu si je n'avais rencontré le marcheur Stéphanois. Mais ayant parcouru dans sa totalité l'étape prévue, j'ai choisi l'option de profiter de l'opportunité de rencontrer un globe-trotter qui partage les mêmes passions que moi: voyage, rencontre, effort physique.
Alors cette journée qui commence sera t-elle une des premières où je referais une partie de mon retard? Il est encore tôt ce matin pour le dire et en tout cas je n'en prends pas encore le chemin.

        J'ai décidé de visiter le monastère d'Agapia situé à cinq kilomètres seulement de la route principale. La chaussée qui y mène n'est pas très roulante et le vent contraire freine ma progression.

       Le monastère d'Agapia fut fondé au 16 ème siècle par Petru Rares et son épouse sur une colline au environ de la cité. Brûlé et en ruine il fut reconstruit à son emplacement actuel au XVII ème siècle (entre 1642 et 1647) par Gavril, et rénové au XIX ème , L'église est intéressante par le fait qu'elle fut peinte en 1858 par le célèbre peintre Nicolae Grigorescu, âgé alors, seulement de 18 ans.

         Ce monastère d'une blancheur immaculée est habité par des nonnes qui vivent là toute l'année. Elles vont et viennent affairées à diverses tâches notamment le jardinage. C'est que le travail ne manque pas, vu le nombre impressionnant de potées de pélargoniums à arroser et entretenir.

         La ferveur des pèlerins est toujours aussi prononcée.
Impossible de prendre des photos à l'intérieur de l'église par respect pour ceux qui prient, debouts, agenouillés, ou prostrés face contre terre.
Je quitte Agapia un peu déçu, je n'ai pas trouvé ce que je cherchais. Mais au faite qu'est-ce que je cherchais?
Moi même j'ai du mal à répondre à cette question.

         Je retourne à la route, là où je me sens le mieux. L'effort long en toute liberté semble mieux me convenir pour méditer, apprécier, humer, admirer, sentir, réfléchir, m'inspirer, m'imprégner, rêver, me recueillir, songer, observer, contempler que l'austérité et la froideur d'un monastère.

         La pluie se met à tomber peu avant Piatra Neamt. Les paysans du coin hâtent leurs chevaux pour garder la paille sèche. Tandis que je fais la course avec un équipage, quelle n'est pas ma surprise d'entendre une sonnerie de téléphone. Juché sur son tas de foin, l'homme répond tranquillement à cette intrusion sonore. Quel contraste de voir cet équipage d'un autre temps et son propriétaire répondre avec cet objet si moderne!

      Piatra Neamt est la principale ville du judet de Neamt avec ses cent cinq mille habitants.
Désireux de fuir les embouteillages des grandes villes, je ne m'y éternise pas. Comme il est midi, j'avale rapidement un infâme hamburger dans un fast-food local. La raison de ce choix c'est de n'avoir pas à craindre de me faire piquer mon vélo. En effet il suffit de commander son hamburger sans presque descendre de sa machine. Différence notable cependant par rapport à ses semblables en France et ailleurs, c'est de s'adresser à une charmante hôtesse plutôt qu'à un poteau. Cet avantage, sans supplément, ne me fait pas oublier la couleur de la sauce assortie à la Bistrita, cette rivière qui traverse la ville.
Est-ce la chaleur revenue ou les conséquences de ma digestion difficile toujours est-il que j'ai les jambes en coton. Décidemment rien ne vaut un jambon beurre avec de la baguette en lieu et place de cette nourriture américanisée.
Dans ces cas là mieux vaut prendre son mal en patience. Entre les crises de nausées et de vidage rapide d'intestins, rien de tel pour se retrouver tel un zombie.
Compensant ces pertes par une boisson d'Outre-atlantique j'arrive peu à peu à refaire surface. Il faut dire que les paysages du côté de Bicaz me font vite oublier mes petites misères gastriques.

         Je quitte la N15 à Bicaz, au profit de la N12C pour m'engager dans une vallée encaissée où coule la Bistrita. A Ardelean la route se resserre encore. De chaque côté de la route des pans de roches de plusieurs centaines de mètres de hauteur donne une ambiance morose à ce défilé.
La lumière a du mal à transpercer ces parois à pic.
Comme dans la plupart des endroits touristiques des échoppes fleurissent au bord de la route. Un camping car immatriculé en France qui m'avait doublé dans l'ascension est garé devant les échoppes. Un petit signe de la main et je poursuis l'ascension.
C'est ici que la route se redresse le plus comme pour m'obliger à mettre pied à terre devant tout ce monde rassemblé. Un dernier coup de rein et la route présente un nouveau faux plat en surplomb d'un tumultueux torrent. Je peux à nouveau faire tourner les jambes normalement et faire disparaître des débuts de crampes. Pas du tout habitué à connaître ce genre de désagréments, je met ça sur le compte de mes déperditions caloriques du à mes contrariété du début d'après midi.

         La douceur de la pente ne dure pas, déjà une déclivité plus importante se présente sous mes roues. Pourtant les derniers lacets bien marqués sont avalés sans coup férir.

        En contrebas de la route, sur la droite, un camping accueille les touristes venus pour escalader les falaises environnantes ou tout simplement randonner dans cette merveilleuse nature. Les campings caristes français aperçu plus bas me font l'honneur d'une petite visite. Visite écourtée par les cris du petit qui vient de se rendre compte qu'il a fait une gaffe. En effet, il a refermé le véhicule alors que les clés se trouvaient sur le tableau de bord. Trop tard, la petite famille se trouve coincée dehors. Dommage car monsieur m'avait déjà proposé une toile pour protéger mon sac des fréquentes intempéries.

        Quelques centaines de mètres plus haut j'admire le lac rouge "lacu Rosu", d'où des pointes d'arbres émergeantes témoignent de l'engloutissement ancien d'une forêt entière.

         La partie plate qui suit, précède une dernière partie d'ascension. Pourtant j'aurais espéré que la route redescende aussitôt, presser que je suis d'en finir avec cette éprouvante journée.

        Dans la longue descente qui précède Gheorgheni, un camping pourrait faire mon affaire pour y passer la nuit.
Il suffirait d'un bon coup de frein, virer à gauche et dans quinze minutes en avoir terminé. Emporté par mon élan je décide de stopper quelques kilomètres plus loin dans la localité de Gheorgheni.
Mes premières recherches pour trouver un toit s'avèrent vaines. Quitte à attendre la tombée de la nuit et de monter ma tente en camping sauvage, par deux fois je refuse de tomber dans la facilité d'aller dormir dans un hôtel impersonnel.
J'essaye en faisant le tour de la ville de repérer un endroit susceptible d'accueillir un pauvre hère.
Dans une rue peu fréquentée permettant de s'échapper dans la nature, je repère un petit lotissement avec des petits jardinets. Assez tentant pour planter une tente.

        J'avise un jeune homme qui s'apprête à quitter sa demeure. Je me lance. Tout de suite le courant passe.
Peter, jeune étudiant en dernière année d'école d'architecture me laisse à disposition sa maison pour la nuit. Le temps de me passer quelques consignes, d'avertir sa grand-mère qui vit à côté et le voilà reparti pour son entraînement de basket. Il ne sera pas de retour avant minuit. Je lui signifie qu'à cette heure je dormirais certainement. Alors il me dit" à demain, pour le petit déjeuner".

         Si Peter parle français il préfère s'exprimer en anglais.
Je profite de la soirée pour faire une rapide toilette dehors, avec une bassine que Peter m'a confié. Je dîne rapidement tout en consignant sur mon bloc quelques notes pour mon futur site. Epuisé, je finis par m'endormir, recroquevillé, le lit étant vraiment petit.


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Voyage-Glbecyclo-Aventure

Itineraire EST 2006

Dimanche 30/07/2006
Budapest

Lundi 31/07/2006
Budapest-Jaszapati
(120 km)

Mardi 01/08/2006
Jaszapati-Debrecen
(150 km)

Mercredi 02/08/2006
Debrecen-Satu Mare
(110 km)

Jeudi 03/08/2006
Satu Mare-Sighetu Marmatiei
(100 km)

Vendredi 04/08/2004
Sighetu Marmatiei-Borsa
(80 km)

Samedi 05 /08/2006
Borsa-Campulung Moldovenesc
(110 km)

Dimanche 06/08/2006
Campulung Moldovenesc-Targu Neamt
(110 km)

Lundi 07/08/2006
Targu Neamt-Gheorgheni
(130 km)

Mardi 08/08/2006
Gheorgheni-Teliu
(150 km)

Mercredi 09/08/2006
Teliu-Ploiesti
(110 km)

Jeudi 10/08/2006
Ploiesti-Ruse
(150 km)

Vendredi 11/08/2006
Ruse-Veliko Tirnovo
(120km)

Samedi 12/08/2006
Veliko Tirnovo-Radonovo
(120km)

Dimanche 13/08/2006
Radonovo-Edirne
(125km)

Lundi 14/08/2006
Edirne-Corlu
(140km)

Mardi 15/08/2006
Corlu-Istanbul
(135km)

Mercredi 16/08/2006
Istanbul

Jeudi 17/08/2006
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