Ce matin en mettant le nez à la fenêtre quelle n'est pas ma surprise de constater que la pluie s'est invitée pour le départ de ma quatrième journée, comme pour arroser mon passage de frontière.
Ayant repéré hier soir la route 48, celle qui m'amène au poste frontière de Nyirabrany, je ne perds pas de temps pour quitter la ville.

Trente bornes me séparent alors du poste frontière et ma chaîne grince quelque peu. Je m'arrête alors pour lubrifier cet organe de transmission qui n'apprécie pas du tout la pluie. J'ai en horreur le moindre bruit sur mon fidèle destrier. Je lui dois bien quelques soins, lui qui endure à longueur de journée mes caprices. Et puis il n'est pas très exigeant se contentant de quelques gouttes d'huile. De toute façon c'est la seule façon de le calmer, maintenant il est à nouveau silencieux.

Au poste frontière, les douaniers ont le sourire en voyant mon équipage. Juste un brin de curiosité pour savoir quelle est ma destination, un coup de tampon sur le passeport et me voilà en Roumanie.

Le bitume hongrois a fait place à un affreux revêtement. D'énormes nids de poule m'obligent à zigzaguer sur la chaussée. Je crois bien que je vais devoir réviser mes calculs concernant mon kilométrage total dans ce pays.
Ma vitesse a chutée de moitié. Ce n'est pas possible!
Que les coureurs pros viennent ici pour s'entraîner pour Paris Roubaix, après ils trouveront les passages pavés beaucoup plus faciles.

J'aperçois déjà les premières charrettes en bois tirées par des chevaux. J'entre à Valea lui Mihai, première ville située à douze kilomètres après le poste frontière.
Je sens déjà une grosse différence avec la Hongrie. Cette petite ville est très animée. J'ai l'impression que tout le monde est dehors. Le niveau de vie m'apparaît tout de suite plus bas que quelques kilomètres plus à l'ouest.
Comme toujours en arrivant dans un nouveau pays, je m'occupe à changer quelques euro contre la monnaie locale.
Le bureau de change flambant neuf et équipé d'un ordinateur jure dans cet environnement. La préposée elle même sur son trente et un, détonne. Dans ma tête je me pose la question idiote de savoir comment elle fait pour ne pas salir ses talons aiguilles blancs quand elle sort dans les rues boueuses.
Au sortir du change un gamin me réclame une pièce. Je me dis que ma modeste bourse ne suffirait pas à satisfaire la totalité des mendiants en tout genre de ce pays. Je m'abstiens donc de lui donner une obole. Je fouille dans la poche de mon maillot et lui offre une barre chocolatée.
Pendant que je range mes papiers dans mon sac et change de carte dans mon porte- carte de guidon, il déguste en silence la friandise. Alors que j'enfourche ma bicyclette un large sourire s'affiche sur son visage.
Je n'ai parcouru que douze kilomètres et ne suis présent que depuis à peine une heure que je me fais la réflexion que ce pays va me plaire.

La route n° 19 qui monte à Satu Mare et le nord du pays, s'avère de bien meilleure qualité que je l'avais supposé.

A Carei, tandis que j'admire l'église je constate que les charrettes ont accès dans les villes.

A la sortie de la ville le monument des lutteurs roumains est un hommage rendu aux héros tombés dans la lutte pour la libération de la ville de la domination fasciste.
A Doba, village situé à une quinzaine
de kilomètres de Satu Mare je fais une dernière pause casse croûte.
Pour la première fois j'arrive de bonne heure à ma destination du jour, Satu Mare.

Pour traverser la ville j'emprunte une partie réservée aux piétons et aux cyclistes. Ce passage permet de franchir la rivière non navigable Somes. Grosse difficulté pour moi chargé comme je suis, c'est de retrouver le niveau supérieur pour retrouver la route normale. Pour cela il me faut grimper une cinquantaine de marche.
Deux solutions s'offrent à moi, soit je fais demi-tour et reprend la route réservée aux véhicules motorisés, soit je détache ma remorque et monte mon barda par morceaux. Le vélo d'abord, le sac ensuite et la remorque pour finir.
J'en suis là dans mes supputations quand un sourire avenant m'interroge. Ce sourire appartient à une ravissante jeune femme qui se propose de m'aider. Je présente alors mon équipage dans la pente et tire de toutes mes forces le vélo et l'attelage. La jeune femme pousse la remorque dont elle avait de toute évidence sous- estimée le poids. Nous parvenons tant bien que mal au sommet des marches. Je m'inquiète aussitôt de l'état de mon aide qui essoufflée se réajuste. J'ai surtout peur pour la blancheur de son pantalon, mais finalement je ne relève aucune trace de cambouis.
Toujours souriante elle me quitte sans doute ravi d'avoir rendu service à un étranger. Je la vois redescendre une seconde fois les marches et s'éloigner.

Je repère à la sortie de la ville un panneau indiquant la proximité d'un camping. Un homme que j'identifierais comme étant le gérant m'affirme que le camping n'est pas ouvert. Etonnant en plein mois d'août! Il faut dire que les touristes sont rares cette année en Roumanie. La faute à une certaine grippe?
A proximité un bâtiment indique la location de chambre.
Sur un terrain sont alignés des petits chalets qui doivent servir de mobil home. Le responsable finalement m'invite à loger dans un bâtiment en dur où des chambres très correctement meublées attendent les rares visiteurs.
Pourtant je ne suis pas seul, un canadien avec sa famille partage un autre coin du bâtiment.
Je profite de mon après midi pour rendre visite à un vélociste local. Je veux améliorer la fixation de ma remorque au vélo. Cette fixation se fait à l'aide d'une goupille de chaque côté. Sans doute après l'épisode de la montée des marches, l'une d'elle a été tordue. Juste en arrivant au camping je l'ai perdue. Heureusement j'en prévoie toujours d'avance.
Le réparateur de vélo, sosie de Coluche y compris la salopette, voit arriver le casse tête.
Ne comprenant rien à ce que je lui demande, maladroit comme c'est pas possible il solutionne le problème en tordant et enroulant la goupille en tous sens.
Là c'est sûr je ne risque pas de la perdre! Non plus de pouvoir dételer la remorque en cas de besoin.
Inutile d'insister davantage, je préfère laisser mon mécano d'infortune s'occuper de réparer les nombreuses chambres à air qui pendent sur son établi. C'est vrai qu'avec l'état des routes ici et les pneus souvent à la limite de la rupture il doit avoir du boulot.

La ville ne respire pas l'opulence, mais on sent bien que ça a dû être pire il y a quelques années.
Doucement les choses se mettent en place, et les rues sont maintenant parfaitement asphaltées.
Je passe le restant de l'après midi à visiter la ville. Malgré quelques efforts de fleurissement, les façades auraient besoin d'un petit ravalement et les rosiers d'un engrais complet, parole de jardinier.


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